Arts et cultures de l'Inde
Cependant, il est important de souligner que cette manière de fonctionner (horizontale) ne peut, compte tenu de la spécificité de la transmission traditionnelle indienne de la musique (verticale), faire fi d’un retour à la source c’est-à -dire d’appeler ceux qui, en Inde, sont actuellement les tenants de cette tradition. En effet, il ne faut pas oublier que la musique classique indienne est plurivoque, dans le sens où il n’existe pas UNE façon unique de la jouer ni de la penser, mais des familles de musiciens qui, depuis de nombreuses générations (gharana), ont développé une identité musicale qui leur est propre et qui créent ces saveurs uniques, gages de l’extraordinaire richesse de cet univers et de sa préservation. Il nous semble central de pouvoir inviter ces musiciens à venir délivrer leurs connaissances et leur art dans le cadre non seulement de workshops mais aussi de concerts, afin d’apporter et de transmettre à ceux qui ont soif leur amour de leur art.
De plus, notre association ne verra ses espoirs se concrétiser réellement qu’au moment où elle pourra offrir à ceux qui le souhaitent la possibilité de se rendre en Inde auprès de maîtres confirmés pour des séjours de longue durée. Notre désir est donc de promouvoir des échanges qui se situent à la fois entre pratiquants occidentaux et musiciens indiens confirmés, dans un souci qui se noue à deux niveaux : le premier est l’émulation réciproque (rencontrer des personnes pratiquant des instruments indiens différents dans un contexte occidental, s’enrichir mutuellement (logique de l’horizontalité) marqué aussi, si le désir s’en fait sentir, par l’influence d’autres types de musique et offrant, ce que nous pourrions appeler, une dynamique de « crossover », rencontres riches de potentialités) ; le second est l’ancrage dans une tradition spécifique (gharana) afin que puisse être transmis un savoir qui puise à la source vive d’une tradition multiséculaire. L’ensemble de cet édifice repose sur une pierre angulaire qui est l’amour de la beauté de cette musique ; par-delà les jeux d’ego qui parsèment la pratique musicale, nous voulons vraiment ancrer notre être au monde des musiciens dans un socle solide et le seul chemin pour ce faire est cette dévotion à la musique qui ne demande qu’à lui rendre hommage en essayant, au plus près des exigences de nos existences, de la servir elle et non pas nos petites individualités, pour que nous puissions nous sentir un chaînon dans la chaîne immémoriale de ceux qui lui ont consacré leur vie.
Gharial projette également d'inviter tout néophyte désireux de connaître les règles de la musique indienne ou se familiariser à sa pratique instrumentale. Pour cela des cours sont organisés.
Olivier Rittener
L’Association Gharial a été créée pour répondre à une constatation simple : l’étude en Europe des musiques savantes du sous-continent indien est une véritable gageure. Cette difficulté tient à plusieurs facteurs que nous aimerions relever.
Tout d'abord, les structures institutionnelles dédiées à l’apprentissage de la musique (conservatoire classique, école de jazz) ne possèdent pas de chaire délivrant un enseignement spécifique lié à ces musiques, ou alors de manière exceptionnelle comme stage d’initiation.
De plus, l’étude de la musique classique indienne implique des voyages fréquents en Inde pour parfaire sa compréhension et la maîtrise de l’instrument choisi, ce qui est loin d’être aisé dans le cadre économique et social contemporain. En effet, qui peut, pendant une dizaine d’années, se rendre tous les 6 mois auprès de son maître ?
Enfin, poursuivre la pratique instrumentale sans le soutien et la présence de son maître est loin d’être facile, cela tient du sacerdoce : solitude, découragement, impression de tourner en rond peuvent parfois conduire le musicien à arrêter de pratiquer et même de jouer.
Ainsi l’Association Gharial cherche à offrir des réponses concrètes à la situation précédemment décrite. Dans un premier temps, l’objectif est de réunir toutes les personnes qui pratiquent la musique indienne, en Suisse et ailleurs, afin de leur permettre de sortir de l’isolement dans lequel elles se trouvent et de créer des dynamiques entre elles. Dans un second temps, au lieu de construire une structure de type scolaire (maître-élève inscrit dans une institution), le but est de penser une mise en commun des matériaux musicaux qui ont été engrangés chez chacun des membres de l’Association afin de pouvoir les transmettre aux autres, c’est-à -dire un échange de savoirs. Ces matériaux peuvent être de différents types :
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Exercices pratiques de maîtrise de l’instrument (alamkar, techniques spécifiques liées à chaque instrument)
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Compositions classiques (raga: exposition, développement, structure spécifique, mukhra, bandish, taans, ...)
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Compositions semi-classiques (bhajan, thumri, dhun, dadra, ...)
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Taal ( cycles des temps rythmiques, répertoire de compositions, calculations, gharana Tabla)
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Enregistrement de cours ou de concerts, livres, CD, DVD, etc …
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©Eiko Ishimoto